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En Limousin et ailleurs, l’école publique ouvre ses portes aux charlatans

La scène se passe dans un collège en Haute-Vienne. L’équipe enseignante de mathématiques a été réunie autour du chef d’établissement pour accueillir une association qui prétend lutter concrètement contre l’échec scolaire en mathématiques, suite à de nombreuses années de recherche qui ont permis de mettre au point des fiches pédagogiques « innovantes ».

Le responsable de cette association présente un diaporama du type « powerpoint » qu’il fait défiler à toute allure, où s’enchaîne pêle-mêle citations approximatives, graphiques incomplets, et analyses boîteuses, non sans insister lourdement sur ses propres titres universitaires plus ronflants les uns que les autres. Le tout sent d’emblée l’enfumage.

Les enseignant.e.s présents dans la salle s’entendent dire à demi-mots qu’ils sont tout bonnement incompétent.e.s lorsqu’il s’agit de faire progresser celles et ceux de leurs élèves qui ont des difficultés en numération, notamment parce que l’école primaire n’a pas vraiment fait son travail avec ces enfants. Fort heureusement, l’association, dont on apprend qu’elle est en fait affiliée à une société nommée Digitalearn, connaît le remède miracle qu’elle peut dans sa grande bonté mettre à la disposition de l’éducation nationale.

L’un des enseignants demande alors s’il est possible, puisque vidéo-projection il y a, que l’une de ces fameuses fiches pédagogiques « innovantes » puisse être présentée, afin de pouvoir juger de son contenu. Réponse lui est faîte par l’un des « docteurs » (sic) présent que ce n’est pas possible, car ces fiches miraculeuses sont sous le « secret de l’innovation »…

Il s’agirait donc de donner un blanc-seing à cette société privée qui prétend détenir un remède miraculeux pour lutter contre l’échec des élèves en mathématiques, remède qu’elle souhaite administrer à des petits groupes d’élèves triés par les enseignant.e.s.

Les longues recherches prétendument menées par nos docteurs les ont-ils conduits à prendre connaissance du rapport Delahaye 2015 commandé par le ministère, qui a pourtant fait grand bruit, et qui mentionne clairement que les dispositifs de soutien scolaire mis en place depuis des décennies n’ont aucune portée positive quant aux progrès des élèves en difficulté ? Manifestement non.

Les nombreuses références à l’étude PISA présentées à la va-vite en introduction ont-elles permis de préciser que 62% des inégalités scolaires en France sont en fait liés à des problématiques structurelles telles que la ghettoïsation des écoles sur le territoire ou encore les effectifs bien trop importants dans les classes ? Non plus ! Ces données indiquent pourtant clairement que le projet présenté ici ne résoudra rien…

A l’heure où toutes les politiques mises en place préparent la marchandisation de la fonction publique, notamment d’éducation, il s’agit alors ni plus ni moins d’une tentative d’intrusion d’une société privée au sein de l’école publique, sous couvert de bons sentiments, et gentiment cautionnée par les services de l’éducation nationale, comme en témoigne un compte-rendu qui atteste qu’il n’a fallu qu’une heure à cette société pour obtenir l’agrément d’un inspecteur de l’éducation nationale missionné expressément sur l’enseignement des mathématiques à l’école primaire.

On s’étonnera ici que les associations officiellement « complémentaires de l’école » et membres du CAPE (Collectif des Associations Partenaires de l’Ecole) aient aujourd’hui tant de difficultés à prendre leur place en matière de politiques publiques concernant le secteur éducatif. Incompétence ou cynisme des mêmes inspecteurs ? A voir…

Quoi qu’il en soit, la société Digitalearn déploie actuellement son « expérimentation » au sein d’une dizaine d’écoles élémentaires dans la ville de Limoges, dont les noms sont là aussi tenus mystérieusement« secrets »…

Il ne manquerait plus que des fondations comme le Lion’s Club de France puisse également faire œuvre de charité dégoulinante en encadrant l’aide aux devoirs au sein de l’école publique pour mieux pratiquer l’entrisme, et le tableau serait complet… Oui ? Pardon ? Ah… Ces pratiques ont également pignon sur rue dans les établissements de l’académie ? Et avec la bénédiction d’une majorité de collègues ?… Ne serait-il pas urgent d’organiser une formation sur la laïcité ? A vendre notre école publique par morceaux, il est certain en tous cas que nous trouverons des acheteurs…

Charlatans dans l’école publique.pdf